Arsène m’a aidée à descendre une lourde banquette de l’étage pour le déposer dans l’espace client de l’officine. Ca n’a aucun intérêt pour vous bien sûr, mais pour lui si. Il m’a demandé de relater l’événement, que tout le monde sache qu’il est gentil et serviable.
Alors pour lui faire plaisir, et parce que ça fait briller ses yeux bleus de cow boy de la banlieue parisienne, je raconte.
Il est monté derrière moi dans le bureau, en faisant claquer ses talons dans l’escalier. Il roulait des épaules au même rythme, j’en suis certaine. Il n’a pas pu se retenir, avec une gouaille de titi, il a dit :
- Ah ouais, ça y est, on se retrouve enfin seuls !
Il ne rate jamais une occasion de parader, de draguer au milieu des poulettes.
Et puis il a fait des manières, oh mais c’est gros, ça ne passera pas dans l’escalier, mais c’est lourd. Et pourquoi tu veux faire ça.
Aussitôt suivi d’un :
- Attends cool, ne stresse pas, laisse moi faire !
Et de pousser, de tirer, d’avancer peu à peu, de redescendre. Avec des mimiques, des soupirs. Mais l’air sérieux, pour ne pas tomber, ne pas glisser, ne pas casser la banquette. Je l’ai encouragé, je me suis inquiétée, lui ai crié fais attention, va doucement !!! Mais j’avoue que je ne l’ai pas beaucoup aidé.
Il a claironné :
- Bien voilà, c’est fait, t’as vu le chef !
Il a tendu la joue, avec le doigt pointé dessus :
- Alors, hé, j’attends !
Mais je l’ai nargué :
- Non et puis quoi encore !
Arsène est parti. Joyeux, il a continué de livrer les pharmacies sur sa tournée. Et quand il est revenu l’après midi, je lui ai demandé : ça va ?
Il s’est écroulé sur la banquette, prétendant qu’il s’était esquinté le dos le matin, qu’il fallait que je fasse quelque chose. Les filles ricanaient derrière nous. Elles ont dit :
- Ouais, ouais, c’est encore un truc pas honnête que tu demandes.
Il a ouvert grand les yeux, deux billes dans un visage aux couleurs des vacances :
- C’est pas possible, toutes les mêmes, toujours l’esprit mal placé.
Et il est parti rouler des mécaniques ailleurs, frimer, faire l’important. Parce c’est léger, que ça amuse la galerie et fait passer le temps. Il a bien raison.
Je te l’ai promis, je l’ai fait. J’ai parlé de toi Arsène. C’est pour te dire merci à ma manière.