Quitter Paris après les fêtes, suivre les nuages, aller vers les plaines, les vaches et la Seine serpentant jusqu’à la mer. Cabourg est vide, ensoleillée mais triste, l'air est vif. Les digues ont des flancs couverts de couteaux échoués, qui craquent sous les pas de touristes encapuchonnés. Deauville semble morte, ainsi que Trouville. La foule est à Honfleur agglutinée autour des quais, promenades en famille et dégustations dans les nombreux restaurants du port. Sous un ciel nuageux s’accrochent les mâts des bateaux. J’ai le sentiment d’être un puceron désorienté projeté au sol comme si l’on avait donné un coup de pied dans mon nid. Je me sentirais mieux en haut des mâts crissant au vent, loin de cette fourmilière qui va m’engloutir. Mais je m’accroche au sol. Le temps est doux, je déambule au milieu des chalets disparates du marché de Noël, dans l’odeur de beignets et de pain chaud qui, trop c’est trop, me soulève le cœur. Des gamins courent, bavards, bruyants. Leurs parents ont l’air heureux et détendus car les jeunes sont supportables au dehors, courant dans les embruns, les joues rouges et piquées au sel. Au reste, je suis en train de tomber amoureuse de l’instant. Honfleur bulle dans le soleil couchant comme une framboise dans une coupe de champagne. J’ai le nez dans la mousse et je ressens une sorte de félicité.