27 mars 2017
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08:00
Il m’a expliqué. Ce n’est pas si simple. Il est valide, on lui a posé un stent cardiaque il y a quelques années. Il n'avale qu'un comprimé anti-hypertenseur, voilà pour les médicaments. Il ne coûte pas cher à la sécurité sociale. Il est veuf depuis deux ans. La solitude, quand on a rencontré sa femme à 20 ans, c’est irracontable. Les autres s’affolent de ce que personne ne lui fait plus son ménage, son repassage, la cuisine. Lui aussi, un peu. En réalité, le ménage, le repassage, il laisse aller. Il est souvent dehors, il promène les veuves du quartier, celles de son âge, qui sont ravies de marcher avec lui. Car dans le club, ce sont tous des jeunes de soixante ans. Ils refusent de se joindre aux vieux qui les ralentissent.
La cuisine, il s’en fiche aussi. Le visage aimant dans lequel il pouvait contempler ses propres rides, lire des souvenirs communs lui manque. Alors pour faire durer le repas et ne pas sombrer assis là comme un imbécile, il fait sa petite vaisselle entre chaque plat. Il ne regarde plus la télé qui était un prétexte pour échanger des idées, rire ensemble, s’exclamer, râler, se disputer. A quoi bon ! Il préfère la lecture. Mais on ne passe pas son temps à lire…
Les enfants l’entourent, ils sont très présents. Chaque week-end on l’invite, tantôt l’un, tantôt l’autre. On lui dit qu’il a de la chance, d’avoir de bons enfants, d'avoir atteint un si bel âge, de garder sa tête, ses jambes, son rire, sa curiosité. Par pudeur, il n’a jamais évoqué l’amour. Mais il m'a avoué : « Je ne suis jamais réellement seul. Mais je ne suis pas heureux »