Alain Bashung est parti à 61 ans mais j’ai la sensation d’avoir perdu un petit frère. Parce qu’il a accompagné ma jeunesse, l’époque où j’aurais pu être ma fille. Je sais j’exécute de belles volutes dans le temps, Madame rêve. Pas seulement, son départ c’est un peu un flacon de parfum que l’on ouvre. Ce sont des fragrances, des notes, des essences. Je m’balance sur un trapèze, et bien emmitouflée dans un pull angora, je retourne dans un passé qu’aucun express n’aurait pu abolir.
C’étaient les vertiges de l’amour, quand je croyais aux promesses des garçons jusqu’à ce que l’un d’eux m’avoue : la nuit je mens. J’étais un boulet, une petite chose en larmes, une idiote, j’passais pour une caravane. Et puis un jour, comme ça je me suis réveillée, j’ai ouvert la fenêtre de ma chambre et crié bien fort dans la rue : Osez Joséphine ! Joséphine c’était moi, celle qui saurait mener sa petite entreprise en temps de crise. Que les autres applaudiraient en vainqueur à l’arrivée du tour. Le tour de piste que chacun effectue bien malgré lui, parfois en dépit du bon sens. Le tour des souvenirs que l’on empile un à un, comme un légo.
Alors Alain, tu aimes les farces. De là-haut tu t’amuses déjà, un vrai collégien, tu chahutes, tu bouscules. Tu te trompes de prénom et tu m’interpelles : Gaby oh Gaby ! Mais c’est moi qui sans toi, ne peux pas dormir la nuit. Veux-tu me soutenir un peu, me soutenir encore. Maintenant tu es plus beau, plus fort, tu brandis ta Victoire de la Musique d’un bras alerte et décidé. Tu brandis ta victoire sur la vie. Ce matin ta voix résonnait à mon oreille, tu claironnais, perfide : alors, je t’ai manqué ?