16 mai 2022
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... Ton corps te mène. C'est le moment, l'été s'impose au printemps. La promenade est facile, la chaleur soudaine, les désirs décuplés. On a envie de tout, voyages, soleil, zéphyr sur nos museaux découverts. On oserait tout, approcher, tendre les joues, les mains, s'étreindre, s'embrasser.
Alors mieux vaut s'échapper sous le cagnard. Loin des autres mais jamais par la pensée, savourer la campagne, observer le velours des champs d'orge couché par le vent. S'enfoncer dans des sous bois au sol craquelé et sec, écouter, voir détaler un faisan au détour d'un chemin, être subjugué par le pelage roux, sautillant, d'un renard détalant dans les herbes.
Place toi devant un cours d'eau, discute avec les canards, partage ton sandwich, et dis-toi que décidément la vie est belle.
Plus encore aujourd'hui. Déconfiné, démasqué, avec le temps pour allié, tu te sens libéré.
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9 mai 2022
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08:00
Mantua, dorures métalliques et lin, Royaume uni, vers 1750
Derrière la vitre, elle est en majesté. Le tissu, les broderies, la largeur, impressionnent. La taille, la tenue, le buste en imposent. Et tout cet or incrusté, ces paillettes, ce miroitement.
On imagine la dame dedans, cette "Comtesse of Haddington" au salon. Les cheveux relevés en un chignon altier pourvu d'un diadème, elle sourit, énigmatique, les bras croisés, un éventail négligemment tenu de la main gauche. A-t-elle des rêves , s'initie-t-elle à la politique? Adam Smith, le philosophe, son contemporain, est-il l'un des hôtes de ses causeries intellectuelles? N'est-elle qu'un bijou, un trophée?
On extrapole. Aller à l'essentiel, se dépouiller du superflu. Définir des priorités, fixer un objectif. La force derrière l'image lisse d'une femme dans son siècle, qui s'informe et réfléchit. Qui arrache ses entraves, ses paniers, ses dentelles, à l'aide de réseaux libérateurs.
Il est encore des endroits où l'information ne circule pas, où le déni est la règle. Les réseaux inexistants, l'information détournée, tout un peuple floué par des paroles ciselées, et qui ignore que c'est la guerre, se trompe de cause.
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25 avril 2022
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08:00
Edouard Manet, L'Evasion de Rochefort, 1881
Immensité, solitude, exiguïté, tangage, roulis, dérive, humidité, embruns, clapotis, vent, lueurs, promiscuité, iode, sel, bois, flots.
Flots. On ne voit qu'eux. Qui envahissent le tableau et engloutissent la barque. Tourbillonnent, jettent des flammes bleues et vertes et blanches. Se jouent de la lumière, de la réverbération. Créent brillance, éclat, halos.
Halos. Une barque fantôme, une journée irréelle, le temps arrêté, suspendu. Comme à la veille de grandes décisions, de bouleversements, d'incertitudes.
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18 avril 2022
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08:00
Odonchimeg Davaadorj, Phusis I, 2020, encre et fils de laine sur papier.
La vie et ses nombreuses racines. Un tronc solide, épais, ancré dans le sol. Des ramifications importantes, étendues, expansives. Un corps plein, vigoureux, sportif. De quoi combattre et se défendre. Des chaines et du sang. Subir mais s'opposer à l'oppresseur. Demeurer digne et droit, fier, orgueilleux. Juste ce qu'il faut pour ne pas plier et se soumettre.
J'y vois de la peine, du chagrin, des yeux en larmes. Un regard, franc, déterminé, des lèvres serrées. La certitude d'être dans son droit, le désir de liberté, la rage de vaincre.
Un enfant, un homme bientôt, qui se tient debout simplement.
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10 avril 2022
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14:59
Soleil, silence et solitude. Silhouettes dans l'eau calme, à peine tremblantes. Clapotis de vaguelettes contre la coque d'une barque. Restes d'hiver rouillé sur les berges. Horizon fluide et indistinct. Un ciel courant sur l'onde.
Ici, aucun risque de tempête. Humeur égale, nature paisible. On se ressource, on s'oxygène. On échange la fureur et les bruits de la ville contre les murmures, les chants d'oiseaux, les caresses du temps.
On oublie les guerres et la politique. On essaie, du moins.
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4 avril 2022
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08:00
Malgré la neige des derniers jours, il arrive. Il a sa méthode, du bon, du doux, et puis il coupe le bien-être, la légèreté, la tiédeur. Il refourgue du froid, de la glace, fait claquer les dents. Il ne faut pas s'habituer trop vite, trop tôt. La saison s'installe lentement, qu'on apprécie, qu'on déguste. C'est un bon vin le printemps, il a une robe, une couleur, un parfum. Il enveloppe, embrase, fait perdre la tête.
Et puis, en douce, il s'active. Il ronronne, caquette, siffle, piaille. J'aime son dynamisme, sa pêche. Quand l'été languit, quand l'automne et que l'hiver sommeille, lui bondit comme un bélier. Il pousse chacun à agir, pour lui-même, pour les autres, pour la nature. Là sous le cerisier, je l'entends qui bourdonne.
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28 mars 2022
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08:00
Saïdou Dicko, Here is the road to Happiness, 2020, photographie peinte.
Si on pouvait nous la montrer comme ça en soufflant sur son doigt, s'il suffisait de croire qu'au bout d'un chemin hasardeux, mystérieux mais pas si compliqué, elle se trouvait à notre portée.
Bien sûr elle serait poussiéreuse, en plein soleil, en pleine nature. On marcherait dessus les doigts de pied en éventail. On porterait des vêtements clairs, légers, en coton. On s'affranchirait des codes, des marques, des critères sociaux. On serait des enfants innocents, on aurait nos bras nos jambes et la marche pour avancer.
On aurait confiance et l'espoir nous porterait. On aurait la foi, la vie, le désir de braver les obstacles.
En regardant ce tableau on suppose le vent sous la jupe. Qui pousse, comme les ailes dans le dos des anges. On se dit que c'est en chacun de nous et en chaque peuple, ce bonheur, ce droit d'exister.
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21 mars 2022
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08:00
D'accord, j'ai trouvé tout ça sur le trottoir, posé pour qu'on débarrasse, qu'on jette, que ça disparaisse de la vue de quelqu'un. Alors pourquoi cette vitrine, ce bazar? C'est presque voulu, l'affiche d'un spectacle de Bernard Laviliers, un décor de rêve, un voilier, des palmiers. C'est une invitation au départ, au voyage, à l'exil. À l'oubli.
Mais l'asphalte, les cartons, les sacs poubelle. C'est aujourd'hui, un quartier ordinaire, ce sont des vies ordinaires. On expose, on entasse, on jette. On ne se rend même pas compte de la symbolique, de la dérision.
Ailleurs, c'est quelquefois ici, chez soi. Il suffit d'ouvrir les yeux.
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14 mars 2022
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08:00
Bilal Hamdad, Portrait de Sarah, 2017.
... Parce qu'il symbolise le commencement de la journée. Le bol de café, de lait ou de thé qu'on avale avec plaisir, en prenant son temps ou à la va-vite avant d'enfiler les heures. C'est une bulle à soi, un moment que l'on préserve, où l'on s'emplit les narines des odeurs du matin. Il y a de la volupté, de l'émotion, des souvenirs, l'enfance, les vacances.
Et il y a Sarah. Une jeune femme envoûtante, aux cils épais couvrant un regard de braise, évidemment. Des cheveux lourds, des traits délicats à l'ovale mystérieux. Ce pourrait être l'héroïne d'un film, le personnage d'une affiche publicitaire, ou ma voisine de palier. Elle est unique, elle est célèbre, elle me ressemble.
A chacun ses instants, ses bonheurs qui donnent du sens à l'existence. Je pense à ceux qui déjeunent aujourd'hui sous les bombes et ne savent plus quel goût a la vie.
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7 mars 2022
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08:00
Heureusement il arrive. Malgré la pandémie et la menace de guerre. Il nous rappelle le caractère inexorable du temps. On grandit, vieillit, se crée un avenir, un futur. On échafaude des projets, on rêve, on travaille, on gaspille les heures. On tombe malade, on rit, on pleure. Et lui, il arrive. Il se pose là, avec le soleil, la lumière, le ciel bleu. Il se fiche de nous. Pour lui, ce sont les bourgeons, leurs boutons vert pomme qui craquent sous les pétales, les pépiements d'oiseaux, l'or des jonquilles, toutes les teintes des primevères qui importent.
Il n'y a que le renouveau, la sève, la vie, quel qu'en soit le prix qui comptent. On aura beau essayer de tout gâcher comme savent le faire les humains, avec détermination, cruauté, on aura beau saccager, détruire, tuer, il revient toujours. Plus fort, plus grand, nettement plus doué que nous. Et lui est éternel.
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